Marchés de capitaux : Paris en quête d’un second souffle
BOURSE ET ENTREPRISES
3/22/20254 min temps de lecture
Alors que Paris est devenue la première place boursière européenne en dépassant Londres en termes de capitalisation, le marché financier français est à la croisée des chemins. Si les grandes entreprises bénéficient d’une attractivité mondiale, le financement des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) demeure un défi majeur.
Dans ce contexte, le Manifeste pour un meilleur financement des entreprises par les marchés de capitaux, publié en mars 2025, se veut un signal d’alerte. Il pointe les failles structurelles qui freinent la compétitivité de la Bourse de Paris et propose un ensemble de réformes pour renforcer son rôle de moteur économique.
Une place financière puissante mais déséquilibrée
La Place de Paris joue un rôle central dans le financement des entreprises françaises. Les sociétés cotées sur Euronext Paris emploient plus de 8,5 millions de personnes et affichent une capitalisation boursière de 3 500 milliards d’euros, soit 124 % du PIB français. Pourtant, ces chiffres impressionnants masquent une dynamique préoccupante.
Un marché trop concentré autour des grandes capitalisations
Aujourd’hui, les 40 plus grandes entreprises cotées représentent à elles seules 81 % de la valeur totale du marché et captent près de 88 % des volumes échangés. Ce phénomène est accentué par la montée en puissance de la gestion passive (fonds indiciels et ETF), qui privilégie les valeurs les plus liquides.
En parallèle, le nombre de PME et ETI cotées diminue. Depuis 2019, Paris a enregistré plus de retraits de cote que de nouvelles introductions en Bourse. Sur la période 2020-2024, seules 72 entreprises ont franchi le pas, contre 153 en Italie et 170 en Suède. Ce manque de renouvellement réduit la diversité du marché et limite les opportunités d’investissement.
Un déficit de mobilisation de l’épargne
L’un des paradoxes du marché français est que, malgré une épargne abondante, les investissements en actions restent faibles. Seuls 10 % des ménages français détiennent directement des actions, contre 33 % au Royaume-Uni.
En cause, une préférence marquée pour les placements sécurisés, notamment l’assurance-vie en fonds en euros, qui capte une part importante de l’épargne des ménages. Par ailleurs, les fonds de pension, qui jouent un rôle clé dans le financement des entreprises aux États-Unis ou en Suède, restent sous-développés en France.
Ce déséquilibre a des conséquences directes sur le financement des entreprises françaises. Actuellement, les investisseurs européens détiennent seulement 32 % des actions des entreprises européennes, tandis que les entreprises non européennes captent 68 % des investissements des gestionnaires d’actifs européens. Cette fuite des capitaux hors du continent prive les entreprises locales de ressources essentielles à leur développement.
Les leviers pour dynamiser le marché boursier français
Face à ces constats, le manifeste propose plusieurs axes de réforme pour restaurer l’attractivité de la Bourse de Paris et renforcer son rôle dans le financement de l’économie.
1. Encourager l’introduction en Bourse des PME et ETI
Le coût et la complexité des introductions en Bourse constituent un frein majeur pour les entreprises de taille intermédiaire. Pour y remédier, le manifeste recommande la mise en place d’un Bonus IPO. Ce dispositif, inspiré de modèles étrangers, offrirait des incitations fiscales ou des subventions pour alléger les charges liées aux deux premières années de cotation.
Par ailleurs, des initiatives visant à améliorer la liquidité des petites valeurs, comme la promotion des fonds PEA-PME ou l’incitation à la création de nouveaux indices dédiés, pourraient renforcer l’attractivité de la cotation pour ces entreprises.
2. Simplifier et harmoniser la réglementation
Si la réglementation boursière est essentielle pour garantir la transparence et la stabilité des marchés, elle est aujourd’hui perçue comme un frein par de nombreuses entreprises. L’accumulation des normes, notamment en matière de reporting extra-financier, complexifie la gestion des sociétés cotées.
Le manifeste préconise une application plus proportionnée des obligations réglementaires en fonction de la taille des entreprises. Il plaide notamment pour une simplification du Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), afin de rendre les reportings environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) plus lisibles et moins contraignants.
Autre levier : la mise en place d’un prospectus standardisé et harmonisé à l’échelle européenne, pour faciliter les introductions en Bourse et attirer davantage d’investisseurs internationaux.
3. Mobiliser l’épargne vers les actions françaises et européennes
Réorienter l’épargne des ménages vers le financement des entreprises est un enjeu clé pour renforcer la compétitivité du marché français. Le manifeste propose plusieurs pistes :
Encourager l’investissement institutionnel dans les actions en assouplissant les règles de Solvency II et Bâle III, afin de permettre aux assureurs et aux banques d’investir davantage dans les entreprises cotées.
Développer l’épargne retraite investie en actions, notamment via le Plan d’Épargne Retraite (PER), pour soutenir l’investissement de long terme.
Créer un label européen favorisant l’investissement dans les PME cotées, accompagné d’incitations fiscales pour encourager les placements de long terme.
Faciliter la participation des particuliers aux opérations de marché, en renforçant la communication et l’éducation financière sur les opportunités d’investissement en Bourse.
4. Renforcer le rayonnement international de la Place de Paris
Pour conserver son leadership en Europe, Paris doit renforcer sa visibilité auprès des investisseurs internationaux. Le manifeste propose de lancer une initiative de promotion des sociétés cotées, sur le modèle du programme « Choose France », afin d’attirer davantage de capitaux étrangers.
De plus, un effort particulier pourrait être fait pour améliorer la couverture des PME et ETI cotées par les analystes financiers, afin d’accroître leur attractivité et leur visibilité auprès des investisseurs.
Une question de souveraineté économique
Au-delà des aspects techniques et financiers, l’enjeu du développement des marchés de capitaux français est avant tout une question de souveraineté économique.
Les entreprises françaises ont besoin de financements adaptés pour innover, croître et affronter la concurrence mondiale. Dans un contexte où les États-Unis et la Chine mobilisent massivement leurs marchés financiers pour soutenir leurs champions nationaux, la France et l’Europe ne peuvent se permettre de rester en retrait.
Le manifeste appelle ainsi à une mobilisation collective des acteurs publics et privés pour bâtir un écosystème financier plus compétitif et plus résilient. L’avenir de l’économie française et européenne en dépend.
contact@epargnezvous.com
© 2024 - 2025. Tous droits réservés. Ce site ne donne pas de conseils en investissement, et n'invite pas à l'achat ou la vente de services ou actifs financiers. Il est vecteur d'informations et vous invite à faire vos propres recherches sur les risques & opportunités associés.