MiCA : L'Europe cadre le marché des cryptoactifs

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MiCA : L'Europe cadre le marché des cryptoactifs

À compter de ce 30 décembre 2024, une nouvelle ère s'ouvre pour les investisseurs en cryptoactifs en Europe avec l'entrée en vigueur progressive du règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets). Ce texte, adopté en 2023, ambitionne d'harmoniser un paysage jusqu'alors disparate, offrant une protection accrue aux investisseurs et posant les jalons d'un marché plus mature et réglementé. Alors que l'écosystème crypto connaît une effervescence outre-Atlantique, notamment dans le contexte politique actuel, l'Europe choisit la voie de la régulation.

MiCA : Un cadre harmonisé pour une meilleure protection des investisseurs

L'objectif premier de MiCA est clair : renforcer la protection des investisseurs au sein de l'Union Européenne. Pour y parvenir, le règlement instaure un système de licences obligatoires pour tous les acteurs souhaitant proposer des services liés aux cryptoactifs sur le marché européen. Plateformes d'échange, émetteurs de stablecoins, services de conservation, de gestion ou de conseil, tous devront obtenir un agrément auprès d'un régulateur national (l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) en France) pour opérer légalement dans les 27 États membres.

Cette exigence de licence s'accompagne d'un ensemble de règles contraignantes pour les Prestataires de Services sur Crypto-Actifs (PSCA). Ces règles visent à :

  • Garantir la solidité financière des acteurs : Un niveau minimal de fonds propres ou une garantie prudentielle est imposé, assurant une certaine stabilité en cas de difficultés.

  • Protéger les fonds des clients : La ségrégation stricte entre les avoirs des clients et les actifs de l'entreprise est une mesure clé pour éviter les mésusages et les faillites en cascade.

  • Assurer une gestion rigoureuse des risques : Une gouvernance solide et des procédures de gestion des risques validées par les régulateurs sont exigées.

  • Renforcer la cybersécurité : Des mesures de cybersécurité robustes, soumises à des audits exigeants, doivent être mises en place pour protéger les actifs numériques contre les piratages et les vols.

Au-delà de ces mesures prudentielles, MiCA prévoit également des dispositions pour lutter contre les abus de marché et les délits d'initié, des pratiques qui ont entaché la réputation du secteur par le passé. De plus, les entreprises non licenciées se verront interdire toute action publicitaire ou marketing ciblant les clients européens, une mesure dont la surveillance sera assurée par l'Esma (Autorité européenne des marchés financiers).

Une supervision inspirée du secteur financier traditionnel

Avec MiCA, la supervision des acteurs du secteur des cryptoactifs se rapproche des standards en vigueur dans le secteur bancaire et financier traditionnel. Cette exigence de conformité représente un défi majeur pour de nombreuses entreprises, souvent jeunes et agiles, qui doivent désormais assumer des coûts importants en conseil juridique et en audit de sécurité. Cette charge financière pourrait fragiliser certains acteurs et potentiellement entraîner une consolidation du marché.

Période transitoire et harmonisation européenne : des défis persistants

Bien que le règlement entre officiellement en application le 30 décembre, une période transitoire de 18 mois a été accordée pour permettre aux entreprises de se mettre en conformité. Si la France, grâce à la loi Pacte de 2019, a pris de l'avance en matière de régulation, de nombreux autres États membres accusent un retard. Des questions d'application concrète se posent encore, et certaines entreprises déjà bien avancées dans leur démarche de conformité s'inquiètent d'une possible disparité des exigences entre les régulateurs nationaux.

L'AMF, avec seulement quatre agréments PSAN délivrés à ce jour (Société générale Forge, GOin, Deblock, Hexarq), devra accélérer le processus pour accompagner les acteurs du marché. Les entreprises ayant déjà obtenu l'agrément de l'AMF (et non le simple enregistrement prévu par la loi Pacte) devraient bénéficier d'une procédure accélérée pour obtenir la licence européenne.

Un fossé réglementaire avec les États-Unis ?

L'attrait initial de l'Europe, et notamment de la France, pour les grands acteurs internationaux des cryptoactifs, en quête d'un cadre réglementaire clair face à un environnement plus incertain aux États-Unis, pourrait s'inverser. L'évolution de la situation politique et réglementaire outre-Atlantique pourrait créer un fossé réglementaire défavorable à l'Europe. Certains experts, comme Eswar Prasad de la Brookings Institution, prédisent même une migration des activités liées aux cryptoactifs hors d'Europe, vers des juridictions plus permissives.

Cependant, des acteurs majeurs du secteur, tels que Binance et Gemini, réaffirment leur engagement envers le marché européen et le respect du règlement MiCA. Ils soulignent l'opportunité que représente un cadre réglementaire clair pour le développement de leurs activités en Europe.

Un pari sur la confiance et la stabilité

Avec MiCA, l'Europe fait le pari de la confiance et de la stabilité pour le marché des cryptoactifs. L'objectif est de créer un environnement propice à l'innovation tout en protégeant les investisseurs. Cependant, des défis importants persistent, notamment en matière d'harmonisation européenne et de compétitivité face à d'autres juridictions. L'avenir dira si cette approche réglementaire permettra à l'Europe de devenir un acteur majeur de l'écosystème crypto mondial.